L'observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) a révélé le bilan de l'année 2013 en matière d'accidentalité routière ce 28 mai. Si la tendance est clairement à l'amélioration avec un nombre de morts en baisse constante, l'interprétation qui en est faite est quant à elle sujette à des interprétations contradictoires. La diminution de la vitesse reste en effet le point de friction entre les associations de défense des automobilistes et les autorités.
10% de morts en moins sur les routes en 2013
Avec 3268 tués en 2013 contre 3653 en 2012, la baisse du nombre de morts sur les routes est de 10.5%. Globalement, cette tendance s'inscrit dans la durée avec -58% en 10 ans et -77% depuis 1970. 2013 constitue la 4ème plus forte baisse du nombre de tués depuis 1954. Si on ne peut que se féliciter d'une telle évolution dans la durée, le bilan est en réalité à nuancer aussi bien dans les résultats que dans leur interprétation.
Cette variation placée sous l'angle de la lutte contre la vitesse et l'alcoolémie par la Sécurité Routière, ne peut aussi ignorer l'évolution des technologies automobiles, le développement des autoroutes ainsi que de la prise de conscience des automobilistes et des motards.
Une répartition inéquitable
Alors que les chiffres sont dans l'ensemble bons, il existe toutefois certaines disparités. De 2000 à 2013, 70% de cette baisse de la mortalité est imputable aux automobilistes. Aujourd'hui, si les motos au sens général (Cyclos + Motos) comptent pour 1,9% du parc des usagers, elles représentent en revanche un quart des tués et près du tiers des blessés. Leur mortalité baissant plus lentement que celles des véhicules légers, piétons, poids lourds et autre cyclistes, l'importance de la mortalité des usagers de moto augmente relativement de fait.
D'autre part, la pyramide des âges indique une très forte baisse de la mortalité des 15-17 ans et des 18-24 ans avec respectivement -22% et -15%, alors que la mortalité des seniors (65-75ans) nuance ce bilan avec seulement -4% de 2012 à 2013 alors qu'ils représentent 8% des tués. Il faut noter aussi au registre des grands invariants que 77% des morts sont des hommes.
Enfin, en ce qui concerne les différentes typologies du réseau routier les chiffres sont aussi contrastés. Alors que la mortalité baisse de 13% sur les routes et de 9% en agglomération, la mortalité augmente sur autoroute en 2013 avec une variation de +8%. Rappelons néanmoins, que 64% des personnes tuées le sont sur les routes hors agglomération, contre 8% sur les autoroutes.
Les facteurs accidentogènes
L'ONISR décrit 4+1 facteurs comportementaux expliquant directement ces accidents:
- Dans 39% des cas, la cause n'a pas pu être déterminée.
- Dans 26% la vitesse.
- Dans 17% l'alcool.
- Dans 14% les refus de priorité.
- Dans 4% la consommation de stupéfiants.
Si la vitesse représente en effet un quart des cas d'accidents mortels, il y aurait donc 3/4 d'autres explications et donc d'autres solutions potentielles visant à préserver des vies. A titre d'exemple, des études ont montré que mélanger alcool et cannabis augmenterait le risque d'accident par 14.
Evidemment, si vous avez 80 ans, que vous buvez, que vous fumez du cannabis et que vous avez un malaise, pas besoin de rouler à 140km/h pour être dangereux et créer un accident mortel. On note que dans 29% et 21% des cas, l'alcool et les stupéfiants bien que n'étant pas les causes principales, étaient présents dans l'analyse de l'accidentologie. Des combos que l'on sait aujourd'hui fatals.
Un objectif : passer sous la barre des 3000 morts
Le nouveau cap de la sécurité routière est maintenant de passer sous la barre des 3000 morts. Si l'objectif est partagé par tous, les moyens pour y parvenir sont au cœur de la polémique. D'un côté, les associations d'automobilistes et de motards lassés par l'argument de la vitesse et qui pointent du doigt la manne financière que représentent les radars automatiques sans oublier la perte de points. De l'autre, les associations de prévention de la sécurité routière, le CNSR (le Conseil National de la Sécurité Routière) et le ministre de l'intérieur qui agitent la marotte d'une nouvelle baisse de la vitesse sur les routes hors agglomération à 80km/h.
Cette baisse de la vitesse se base sur 2 arguments :
- Un modèle mathématique réputé fiable stipule que 1km/h de vitesse en moins, c'est 4% de morts en moins. La combinaison des facteurs accidentogènes va dans le sens de cette règle, la vitesse restant un facteur aggravant.
- Dans un état "ruiné" (dixit François Fillon et la cour des comptes), baisser la limitation de vitesse est très facile et extrêmement peu couteux, certains esprits retords diront même rentable. Rappelons néanmoins que les radars ont rapporté près de 800 millions d'euros en 2013, mais que 10% de cette somme va réellement dans les caisses de l'état.
Si ce débat prend parfois des formes assez caricaturales sur les plateaux de radios ou de télévision, on peut néanmoins accorder aux associations comme 40 millions d'automobilistes ou la fédération française des motards en colère, la palme du pragmatisme. Vaut-il mieux s'attaquer à 25% des causes directes ou aux 75% restants ?
Bien que la vitesse soit dangereuse notamment et paradoxalement en ligne droite quand le sentiment de confiance est trop présent, la réduction de vitesse ne peut être le seul volet visant à améliorer la sécurité sur la route. Ce filon commence à s'épuiser, il faut creuser, aller plus loin et ne pas être dans l'idéologie.
D'autres pistes pour améliorer la sécurité sur la route
Quand on sait que 18% des automobilistes tués sur la route ne portaient pas de ceinture, il n'est pas très difficile de trouver quelques axes d'améliorations parfois réclamés à corps et à cris par le monde de la route.
- Généraliser l'avertisseur de sécurité de non-port de ceinture dans les véhicules.
- Lutter contre l'alcoolémie au volant chez les jeunes de 18-25 ans les nuits de vendredi à samedi et samedi à dimanche de 0h à 6h.
- Généraliser les détecteurs d'endormissement pour l'itinérance sur les autoroutes.
- Communiquer sur les dangers du téléphone au volant, 37% des automobilistes français déclarent téléphoner au volant.
- Un travail de sensibilisation sur les distances de sécurité devrait être mené.
- Les motards vous le diront, une partie du réseau routier doit être remis en état (notamment à cause des nids de poules).
- Plutôt qu'une réduction globale de la vitesse, cette dernière devrait être appréhendée au cas par cas en fonction de la dangerosité de la route.
- La mise en place d'un continuum éducatif afin de revoir les détenteurs du permis en formation au cours de leur vie.
- La question des stupéfiants et notamment du cannabis prend une place croissante dans l'accidentologie, il faudrait renforcer les contrôles et la prévention envers les jeunes au lycée.
Ce ne sont que quelques pistes, mais ces dernières paraissent essentielles à l'ensemble des acteurs concernés. La sécurité routière est aussi au prix d'une politique d'actions qui combine les mesures visant à améliorer le comportement des automobilistes, l'état du réseau routier et de la technologie au sein des véhicules. Cette même technologie qui nous permettra d'ici quelques années d'avoir des véhicules 100% automatisés comme la "Google Self Driving Car", avec comme ligne de mire l'utopie d'un monde sans accident, mais peut-être, un peu désincarné.
Crédit photo (image d'entête): Wikimedia Commons
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26 juin 2014 à 11h44
Ca, c'est de l'article complet ! Je suis heureuse de voir que 2013 a été moins meurtrière que 2012, mais sera-t-il également le cas pour 2014 ? En effet, les derniers chiffres de la sécurité routière ont montré que les mois d'avril et mai ont été plus meurtriers en 2014 qu'en 2013...Et même si l'étude montrant qu'1Km/h de moins éviterait 4% des accidents, je ne suis pas sûre que cela ferait plaisir aux nombreuses associations d'automobilistes qui en ont assez d'être cloisonnées sur la route!