Dispositif de dépollution appelé à se généraliser à partir de septembre 2014 avec l'application des normes Euro 6, le SCR (Selective Catalytic Reduction) permet de réduire de manière importante les rejets d'oxydes d'azote (NOx) émis par les moteurs diesels.
Cette technologie est en mesure d'éliminer jusqu'à 95% des oxydes d'azote: un atout certain pour les moteurs diesel qui ne devront pas émettre plus de 80 mg/km de NOx contre 180 mg/km actuellement sur le cycle mixte pour être conforme à la réglementation européenne Euro 6 (applicable aux nouveaux modèles commercialisés au 1er septembre 2014).
Principe général du SCR
Le système se compose d'un catalyseur, d'un injecteur d'AdBlue, d'un mixeur et d'un programme électronique (généralement intégré dans la centrale électronique ECU du véhicule), sans oublier le réservoir contenant l'AdBlue sous forme liquide.
Le catalyseur a pour rôle d'accélerer les réactions chimiques nécessaires au traitement des oxydes d'azote. Le substrat est fabriqué avec de la cordierite, un matériau à base de silicate d'aluminium et de magnésium ayant la particularité de résister à des hautes températures (1200 °C) et aux variations rapides de température. Les gaz vont traverser le catalyseur par de multiples canaux de petites dimensions, chaque canal étant pourvu d'un revêtement apte à accélérer les réactions chimiques propres au traitement des NOx.
L'injecteur et le mixeur ont pour rôle de distribuer de manière homogène l'Adblue au sein de la ligne d'échappement. L'Adblue est pulvérisé sous forme de très petites goutelettes de manière à faciliter la vaporisation (passage de l'état liquide à l'état gazeux) de l'AdBlue. Ensuite, le mixeur permet de mélanger de manière la plus uniforme possible les gaz d'échappement et l'Adblue.
L'injecteur est contrôlé par l'intermédiaire de la centrale électronique, véritable chef d'orchestre du système SCR. Cette dernière gère avec précision la quantité d'AdBlue à injecter dans la ligne d'échappement en fonction de la température des gaz et des oxydes d'azote émis par le moteur.
Une multitude de réactions chimiques
L'AdBlue est un liquide composé à 32,5% d'urée et de 67,5% d'eau. En règle générale, les gaz d'échappement passent d'abord par un catalyseur d'oxydation qui, par réaction chimique, va générer des NO2. Ces NO2 sont nécessaires pour un bon fonctionnement du filtre à particules. Idéalement, il est important d'avoir une quantité égale de NO et de NO2 pour favoriser le traitement des NOx.
A la sortie du moteur, les NO2 représentent entre 0 et 30% de la quantité de NOx. Après le passage dans le catalyseur d'oxydation, ce ratio sera alors compris entre 20% et 50%. Une valeur qui pourra être sensiblement réduite après le passage des gaz dans le filtre à particules FàP.
L'Adblue est injecté dans la ligne d'échappement. Sous l'effet de la température des gaz, l'Adblue s'évapore et se décompose en molécules d'amoniaque NH3 et en acide isocyanique HNCO. Cet acide réagit à son tour avec l'eau pour former des molécules supplémentaires d'ammoniac.
Ces molécules d'amoniaque vont interagir avec les molécules de NOx des gaz d'échappement dans le catalyseur SCR. La réaction la plus rapide s'opère à partir de 4 molécules d'ammoniac NH3, 2 de monoxde d'azote NO et 2 de dioxyde d'azote NO2. Elle forme alors 4 molécules de diazote N2 et 6 d'eau H2O.
D'autres réactions chimiques se produisent en présence de l'ammoniac et des oxydes d'azote, elles sont toutefois bien plus lentes que la réaction précedente.
Le dosage d'Adblue en regard des NOx réellement présents dans les gaz d'échappement étant difficile à évaluer, la stratégie consiste à injecter plus d'Adblue qu'il n'en faut réellement. Toutefois, l'ammoniac étant un gaz nocif, il faut éviter de rejetter ce gaz dans l'atmosphère. A ce titre, un catalyseur supplémentaire (intégré dans le SCR la plupart du temps) permet d'oxyder les molécules d'ammoniac pour les transformer en diazote N2 et en eau H2O.
Si le système SCR est placé généralement après le FàP, certains constructeurs, dont PSA (nouveau Citroën C4 Picasso 2.0l 150ch Blue HDi prévu pour juin 2013), ont fait le choix de placer le système SCR avant celui-ci. Cette configuration a pour avantage de réduire le temps de la montée en température du SCR, temps durant lequel la conversion des NOx se fait mal ou pas du tout.
Inconvénient de cette disposition, le catalyseur SCR a tendance à s'encrasser à basse température et le FàP est plus froid. Or, ce dernier a lui aussi besoin d'une température haute pour éliminer les suies. PSA prévoit un additif qui permet de réduire la température à laquelle la régénération se fait (la mise à niveau de l'additif doit s'effectuer tous les 120.000 km environ).
Une technologie éprouvée
Le SCR est un dispositif couramment utilisé en milieu industriel: les moteurs stationnaires des usines, navires, etc. Outre les camions équipés pour la plupart de ce dispositif, la majorité des voitures diesel vendues aux Etats-Unis sont équipées d'un SCR (Mazda CX-7, Mercedes Bluetec, Volkswagen Clean TDI,...). En Europe, très peu de modèles utilise cette technologie.
Le SCR appliqué à l'automobile représente toutefois un vrai défi pour les constructeurs. Dans le cas d'une usine ou d'un poids lourd, les moteurs fonctionnent à régime et charge quasi-constants. C'est loin d'être le cas pour un véhicule particulier. Il faut donc calculer à chaque instant, en fonction des différents paramètres de fonctionnement (température des gaz, débit,...), la quantité précise à injecter dans le système d'échappement.
Au quotidien
La technologie SCR ne sera pas tout à fait transparente pour le conducteur. La consommation d'AdBlue représente un peu moins de 4% de la consommation de diesel. Or, le reservoir d'AdBlue, logé à la place de la roue de secours, est limité à un volume de 25l environ. Considérant ces données, l'AdBlue est donc consommé en un peu plus de 11.000km (en faisant l'hypothèse d'un véhicule consommant 5,5 l/100km de diesel en moyenne). Cet intervalle est sensiblement inférieur aux intervalles d'entretien préconisés par les constructeurs (entre 15.000 et 30.000km), il incombera donc au conducteur de faire le plein d'AdBlue par lui-même.
C'est naturellement une contrainte supplémentaire pour le conducteur. D'autant que les orifices de remplissage d'Adblue ne sont pas forcément placés dans un endroit pratique: si Audi fait l'effort de placer l'orifice de remplissage au même endroit que l'orifice servant à remplir le réservoir de diesel pour le Q7 V12 TDI, il faut chercher cet orifice dans le coffre dans le cas de Volkswagen.
Néanmoins, les constructeurs pourront aussi faire le choix de diminuer la consommation d'AdBlue au détriment des rejets d'oxyde d'azote. En théorie, un dispositif SCR permet de diminuer de 80% à 90% les rejets de NOx. Or, le passage d'Euro 5 à Euro 6 n'impose qu'une réduction de 180 mg/km à 80 mg/km, soit une réduction de l'ordre de 44%. En diminuant la consommation d'AdBlue, les constructeurs pourraient alors limiter le remplissage du réservoir d'AdBlue au même intervalle que les entretiens.
Les limitations
Le coût est le principal défaut de la technologie SCR. Elle vient en complément des technologies actuelles nécessaires à respecter les normes Euro 5 (EGR - recirculation des gaz d'échappement, filtre à particules). Il faut donc ajouter le coût d'un catalyseur, d'un injecteur, de capteurs supplémentaires (sondes à NOx, capteurs de température), d'un réservoir d'AdBlue et d'un logiciel (généralement intégré dans le calculateur principal du véhicule) pour gérer le fonctionnement du SCR.
La technologie SCR nécessite de la place sous le véhicule: le tunnel de transmission sera plus imposant (moins de place pour les jambes du passager central arrière) et le réservoir d'AdBlue prend la place de la roue de secours. Cette dernière est déjà fréquemment retirée par les constructeurs au profit d'un kit de réparation (gain de poids et de place).
Si la température d'AdBlue descend en-dessous de -11 °C, l'AdBlue commence sa solidification. A titre de comparaison, le diesel vendu en hiver par les pétroliers est garanti pour que son point de filtrabilité (point en-desous duquel le carburant ne peut plus passer par le filtre à gazole sans l'obstruer) soit inférieur à -20 °C. Lorsque l'AdBlue est gelé, le SCR devient inopérant: les émissions de NOx ne sont plus conformes à la normes Euro 6. Le moteur n'est pas affecté en terme de puissance ou de couple.
D'autre part, les réactions chimiques nécessaires pour traiter les oxydes d'azote nécessite que les gaz d'échappement atteignent une certaine température, au même titre qu'un filtre à particules. En dessous de 200 °C, l'efficacité du SCR est sensiblement réduite voire nulle. Plus que jamais, un moteur diesel Euro 6 ne sera pas adapté aux courtes distances. Si tel était le cas, les rejets d'oxyde d'azote resteraient élevés et à terme, il y a un risque non négligeable d'endommager la ligne d'échappement.
Si la thermolyse (voir paragraphe "Une multitude de réactions chimiques" ci-dessus) ne s'effectue pas, l'urée peut s'accumuler dans la ligne d'échappement et devenir solide au fil du temps (cristallisation). En conséquence, les gaz d'échappement auront plus de difficultés à circuler dans la ligne et le moteur se mettra alors en sécurité, nécessitant un passage au garage. Dans la majeure partie des cas, une simple intervention solutionnera le problème (nettoyage de la ligne d'échappement). Dans de très rares cas, ces cristaux auront endommagé le catalyseur nécessitant une intervention plus lourde (changement du catalyseur SCR).
Le futur du SCR
La technologie SCR devrait rester incontournable pour les gros moteurs diesel (6 cylindres et plus). Pour les autres, il faudra attendre les nouvelles générations de moteurs pour envisager de se passer du SCR: Mazda propose déjà un moteur diesel à même de respecter les normes Euro 6 sans SCR (voir présentation moteur) et il y a fort à parier que d'autres constructeurs suivront le même chemin (diminution du taux de compression, levée variable des soupapes,...).
Si les résultats affichés par la technologie Skyactiv sont prometteurs, les émissions polluantes peuvent rester importantes lorsque le moteur est démarré à froid. Le cycle d'homologation actuel NEDC nécessite bien un démarrage à froid. Toutefois, la première partie du cycle est peut contraignante (faibles accélérations) et la température ambiante relativement élevée (entre 20 °C et 30 °C), ce qui permet au moteur d'atteindre sa température de fonctionnement sans émettre de gaz polluants de manière excessive.
Les futures normes (Euro 6 phase 2, Euro 7) devraient être plus strictes de ce point de vue. Les constructeurs pourraient préférer multiplier les systèmes pour réduire au maximum les émissions néfastes des moteurs diesel: levée et calage variable des soupapes, circuit de recirculation des gaz à haute et faible pression... et le SCR.
Le SCR pourrait aussi connaître une évolution majeure en remplaçant l'AdBlue par de l'ammoniac dite solide. Faurecia, leader mondial en matière de systèmes d'échappement, a investi dans une société danoise, Amminex. Cette entreprise a developpé une cartouche où l'ammoniac est stockée sous forme solide. Dès que la cartouche atteint la température de 60 °C, l'ammoniac peut être distribuée sous forme gazeuse dans les gaz d'échappement. Cette technologie a l'avantage de permettre un traitement des oxydes d'azote bien plus rapide. Dans le cas d'un démarrage à froid, il peut s'écouler 10 minutes avant d'atteindre la température idéale pour convertir les NOx avec l'AdBlue. L'ammoniac solide promet de ramener ce laps de temps à 2 minutes.
Crédits photos:
- image d'accueil: Mercedes
- ligne d'échappement Volkswagen Passat: Eberspächer
- usine: Power Engineering International
- cargo Santa Vista: The Maritime executive
- tableau de bord: ConsumerReports.org
- route verglacée: Ouest France
- modélisation ammionaque solide: Amminex
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15 juin 2021 à 15h43
Bonjour Pascal29,à noter que, en particulier dans le cas de Peugeot et de Citroën, le réservoir d'AdBlue, pour les premières générations équipées, est logé sous le coffre et que l'appoint est normalement fait par un mécanicien de la marque lors de l'entretien (c'est le même principe l'ensemble des véhicules équipé d'un système SCR dont le bouchon de remplissage est sous le coffre)... un appoint facturé bien cher d'ailleurs (au même titre que l'appoint de lave-glace... 🤐).
Aussi, la responsabilité du trop plein ou du mauvais vissage du bouchon reste au garage et au constructeur, mais pas du côté du conducteur dans tous les cas.
Désormais la trappe de remplissage se situe généralement au niveau de la trappe à carburant, ce qui permet de faire l'appoint soi-même (à l'aide de bidon dont le prix au litre peut varier du simple au triple) ou en station-essence (pour les quelques-unes qui en sont équipées).