Mazda est un constructeur connu pour apporter des solutions atypiques pour répondre aux exigences réglementaires (réduction de la consommation et des émissions de gaz polluants) sans négliger le plaisir de conduite. C'est ainsi, par exemple, que le constructeur a developpé des moteurs essence et diesel s'appuyant sur des taux de compression inhabituels.
Avec le Skyactiv-X, le constructeur japonais s'est appuyé sur la technologie HCCI pour combiner les qualités du moteur essence (faibles émissions de gaz polluants, sonorité) avec les qualités du moteur diesel (consommation de carburant réduite).
Qu'est-ce qu'un moteur HCCI ?
Un moteur dit HCCI (Homogeneous Charge Compression Ignition) est un moteur qui s'appuie sur le fonctionnement d'un moteur essence (mélange homogène de carburant à l'intérieur du cylindre) et le fonctionnement d'un moteur diesel (allumage par compression).
Dans le cas d'un moteur essence, une bougie déclenche une étincelle qui va déclencher un front de flamme, front qui va se propager à l'intérieur du cylindre dans un certain laps de temps. Dans le cas d'un moteur diesel, ce sont les conditions de température et de pression à l'intérieur du cylindre qui déclenchent la combustion du mélange air/carburant.
Dans le cas d'un moteur HCCI, le carburant est injecté directement dans le cylindre pendant la phase d'admission pour obtenir un mélange air/carburant homogène dans le cylindre. La combustion se déclenche ensuite par la pression élevée dans le cylindre à l'approche du point mort haut, sans l'aide d'une bougie.
Pour ce faire, les moteurs HCCI nécessitent un taux de compression élevé. Couplé à une fine maîtrise de la température et de la pression des gaz à l'intérieur du cylindre, le mélange s'auto-enflamme à la fin de la phase de compression. Trop froid, le mélange aura du mal à s'auto-enflammer et ne développera pas suffisamment de puissance. Trop chaud, le mélange s'auto-inflammera trop tôt, la combustion sera non-contrôlée avec un risque important de cliquetis.
Si le mode HCCI se montre efficace, il est surtout apparu que ce mode de fonctionnement était difficilement utilisable sur une large plage de régime et de charge moteur. Les constructeurs n'ont donc pas jugé intéressant de poursuivre le développement de ce type de moteur pour le proposer au grand public.
Mazda SPCCI
Mazda s'est appuyé sur le fonctionnement des moteurs HCCI pour développer une technologie permettant d'avoir un comportement très similaire aux moteurs HCCI, mais sur une large plage de fonctionnement du moteur. Ainsi est née la technique SPCCI (Spark Controlled Compression Ignition) développée pour le Skyactiv-X. Ce mode de fonctionnement nécessite une bougie d'allumage, tout comme pour un moteur essence.
Dans le cas du SPCCI, seule une partie du carburant est injectée pendant la phase d'admission de manière à ce que le mélange air/essence soit trop pauvre pour s'auto-enflammer. Une deuxième injection à haute pression a lieu pendant la phase de compression au niveau de la bougie. Dans cette zone, le mélange est donc un peu moins pauvre que dans le reste du cylindre.
Ainsi, l'étincelle générée par la bougie juste avant la fin de la compression déclenche une combustion localement. Cette dernière permet d'augmenter suffisamment la pression et la température dans le reste du cylindre pour déclencher la combustion par compression.
Lorsque le moteur est utilisé à haut régime, à forte charge ou lors des démarrages à froid, le mode de fonctionnement du Skyactiv-X retrouve le fonctionnement d'un moteur à essence classique (injection de carburant pendant la phase d'admission et combustion par propagation du front de flamme dans l'ensemble du cylindre).
Enfin, l'utilisation de la bougie permet des transitions d'un mode à l'autre de fonctionnement quasi-imperceptibles : les occupants du véhicules ne ressentent pas le changement d'un mode de fonctionnement à l'autre.
Combustion en mélange pauvre
Lorsque le moteur fonctionne en mode SPCCI, il fonctionne avec un mélange air/carburant significativement pauvre. Le ratio air/essence (lambda), peut dépasser 2 (il y a donc 2 fois plus d'air que nécessaire par rapport à la quantité de carburant injectée dans le cylindre). Dans le cas d'un moteur essence classique, le mélange est légèrement riche (inférieur à 1).
Outre une réduction de la consommation, ce mélange pauvre est bénéfique en matière de température de combustion, plus faible dans ces conditions.
Lorsque le mélange air/essence est riche, la température de combustion est plus faible car une le carburant imbrûlé (il n'y a pas assez d'air par rapport à la quantité de carburant injectée) absorbe la chaleur générée par la combustion dans le cylindre.
De même, lorsqu'il y a beaucoup plus d'air que nécessaire à l'intérieur du cylindre, l'air non utilisé dans la combustion permet aussi d'abaisser la température de combustion.
La température de combustion plus faible permet par ailleurs de réduire la formation des oxydes d'azote (NOx). C'est un point important car en conditions de mélange pauvre, les catalyseurs 3 voies ne sont pas efficaces pour traiter les NOx. A l'inverse, si les émissions d'hydrocarbures HC et de monoxyde de carbone CO ont tendance à augmenter en mélange très pauvre en sortie moteur, le catalyseur est très efficace pour réduire les émissions de ces 2 gaz polluants dans ces conditions-là.
Enfin, du fait de la température de combustion plus faible, les besoins en matière de gestion de la température moteur sont réduits. Ainsi, les organes de refroidissement et de lubrification (en particulier la pompe à eau et la pompe à huile) peuvent être sous-dimensionnés par rapport à un moteur essence classique, ce qui permet de réduire la charge de ces composants sur le moteur et de contribuer à la réduction de la consommation de carburant.
Capteur de pression cylindre
La qualité de la combustion est surveillée à l'aide d'un capteur de pression présent dans chaque cylindre qui mesure la pression à l'intérieur du cylindre. Si le pic de pression n'est pas aussi important et/ou n'arrive pas au bon moment par rapport à ce qu'a estimé le calculateur, alors ce dernier va ajuster, notamment, le moment où la bougie va s'allumer dans le prochain cycle.
Architecture
Mazda est fidèle au principe de rightsizing (une philosophie dont se sont inspirés Audi et le groupe Volkswagen dans le développement de la dernière génération du 2.0l TFSI), le constructeur ne déroge pas à la règle avec le Skyactiv-X qui est un moteur de 2.0l de cylindrée avec un alésage de 83,5 mm pour une course 91,2 mm (il reprend donc les mêmes cotes que le 2.0l Skyactiv-G).
Il s'agit d'un bloc moteur dit longue course (la course du piston étant significativement supérieure à l'alésage) privilégiant, en théorie, le couple à bas régime plutôt que la recherche de la puissance à très haut régime.
Le bloc moteur est en aluminium et le taux de compression est de 16,3:1, un taux inhabituellement élevé pour un moteur essence, sauf à considérer les moteurs à taux de compression variable comme le MCE-5 (non commercialisé). Aux Etats-Unis, le taux de compression est diminué à 15:1 du fait de la possibilité d'utiliser des carburants au taux d'octane plus faible qu'en Europe.
La tête de piston a un profil complexe (outre les usinages pour ne pas interférer avec l'ouverture des soupapes) avec des excroissances qui ont pour but de générer un mouvement important de tourbillon (swirl) dans l'ensemble du cylindre afin de favoriser l'homogénéité du mélange air / essence.
Performances
Dans sa configuration actuelle, le Skyactiv-X développe 180 chevaux à 6.000 tr/min et un couple de 224 N.m à 3.000 tr/min.
Micro-hybridation
Le Skyactiv-X est équipé d'un alterno-démarreur sous une tension de 24 V. Il est entraîné par courroie et fourni 4,8 kW (6,5 chevaux) à 1000 tr/min et 60,5 Nm de couple à 200 tr/min. Lors de la régénération au freinage, l'alterno-démarreur recharge une petite batterie Li-Ion d'une capacité de 0,17 kWh logée dans le soubassement du véhicule au niveau du passager avant.
Injection
Les injecteurs d'essence sont montés en position centrale dans la chambre de combution. La pression d'injection peut atteindre 500 bar. Cette pression est significativement plus élevée que les pressions d'injection habituelles des moteurs à essence à injection directe (comme, par exemple, le Volkswagen 1.5l TSI dont la pression atteint 350 bar).
Cette pression élevée permet d'optimiser la pulvérisation du carburant autour de la bougie lors de la deuxième injection, juste avant l'allumage par la bougie.
Distribution
Le calage des soupapes est variable à l'admission et à l'échappement. Afin de compter sur une grande réactivité et ce, à tous les régimes moteur, l'ajustement du calage est réalisé à l'aide d'actionneurs électriques tant à l'admission qu'à l'échappement.
Les arbres à cames sont mis en rotation par le vilebrequin à l'aide d'une chaîne. Les soupapes sont actionnées par l'intermédiaire de linguets à rouleaux.
Admission et suralimentation
Le moteur Skyactiv-X est équipé d'un compresseur mécanique de type Roots pour alimenter le moteur en air frais. Le compresseur est entraîné par une courroie et il est débrayable. Enfin, l'air frais compressé est refroidi par eau.
Pour alimenter les cylindres en air, le moteur peut compter sur de l'air frais compressé, un EGR mécanique (les gaz étant prélevés après le filtre à particules) et un EGR "interne" (les gaz d'échappement sont admis dans le cylindre lors de la phase d'admission grâce à la fermeture tardive des soupapes d'échappement). L'EGR mécanique permet de refroidir la chambre de combustion tandis que l'EGR interne permet au contraire de réchauffer la chambre, ce qui est très utile lors des démarrages à froid.
Grâce à ces 3 sources d'alimentation et grâce au fait que la combustion se fait majoritairement en mélange pauvre (ce qui nécessite un apport d'air important), le papillon d'accélérateur peut rester, dans une majeure partie des cas, complètement ouvert. Cela permet de réduire significativement les turbulences dans les conduits d'admission et d'améliorer, en conséquence, le rendement du moteur.
Echappement
Les systèmes de dépollution du Skyactiv-X sont accolés au moteur. Il est composé d'un catalyseur 3 voies et d'un filtre à particules. Le moteur dispose aussi EGR refroidi par eau dont les gaz sont prélevés après le filtre à particules.
En l'absence de turbocompresseur, les gaz d'échappement sont plus chauds en sortie moteur, ce qui a permis a Mazda de développer un collecteur d'échappement relativement long, afin de faciliter l'évacuation des gaz hors des cylindres et réduire la contrepression du système d'échappement.
Le collecteur est complètement isolé pour éviter les déperditions de chaleur dans le compartiment moteur (ce qui peut être problématique avec d'éventuels composants électroniques à proximité) et conserver au maximum la température des gaz d'échappement (ce qui est nécessaire pour accélérer les réactions chimiques des systèmes de dépollution).
Brève prise en main
Si le Skyactiv-x doit prendre le meilleur du moteur essence et le meilleur du moteur diesel, il est aussi légitime de se demander s'il n'hérite pas des défauts de l'un ou de l'autre. Dans les faits, la sonorité est plutôt quelconque, ce n'est clairement pas un moteur sportif. Mais, avant tout, les cognements typiques d'un moteur diesel ne sont pas présents et le niveau de vibration est comparable à celui d'un moteur essence.
L'ordinateur de bord semble confirmer que le moteur fonctionne dans 90% des cas selon le mode SPCCI. Il faut vraiment le pousser dans les tours pour le voir basculer dans un mode de fonctionnement classique. D'ailleurs, la transition entre les deux modes de fonctionnement est imperceptible.
Si le moteur ne donne pas forcément l'impression de fournir 180 chevaux, il fait en revanche preuve d'une belle allonge dès les plus bas régimes (1.400 tr/min) : il se conduit aisément sur le couple comme un moteur diesel. L'alterno-démarreur permet de stopper le moteur en douceur, infiniment plus que les systèmes start/stop simplement équipés d'un démarreur renforcé.
Production
Le moteur Skyactiv-X est produit au Japon dans l'usine d'Ujina (Hiroshima). Selon Mazda, les coûts de production se situent à mi-chemin entre le coût de production d'un moteur essence et celui d'un moteur diesel.
Crédits photos : Mazda
Illustrations et graphiques : Guillaume Darding
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17 septembre 2022 à 11h01
Bonjour et bravo pour ces explications. C'est la 1ère fois que j'arrive à comprendre le fonctionnement mixte de ce système.J'ai une question sur l'évolution à 186 cv. J'ai lu que la courbe puissance / couple avait été modifiée par Mazda par rapport à celle que vous avez affichée et que le couple maximum (240 n/m) n'était plus à 3000 t/m mais maintenant à 4000 t/m
Savez-vous où l'on peut trouver cette nouvelle courbe ?