Affaire Volkswagen: qui est concerné?

Affaire Volkswagen: qui est concerné?

Guillaume Darding - 24 septembre 2015
Temps de lecture : environ 4 minutes

La crise qu'affronte Volkswagen prend de l'ampleur. Une ampleur telle que le PDG, Martin Winterkorn, a été contraint à la démission. Ce départ pourrait être le début d'une longue série en interne, notamment en ce qui concerne la branche américaine du constructeur. Cette affaire pourrait bien aussi occasionner d'autres conséquences en visant les fournisseurs et les autres constructeurs.

Les moteurs en question

Selon le constructeur, tous les moteurs du type EA189 sont incriminés par la présence d'un logiciel malveillant destiné à tromper les niveaux d'émissions lors des cycles d'homologation. Il s'agit en fait de la première génération de moteurs utilisant une rampe commune pour injecter le carburant à l'intérieur des cylindres pour le groupe. Auparavant, Volkswagen préférait la technique des injecteurs-pompes.

SCR EA189 Volkswagen Passat US par Eberspächer

Les moteurs de type EA189 sont fabriqués depuis 2008. Ces moteurs de type EA189 ont été développé afin de satisfaire aux normes Euro 5 et quelques adaptations ont été nécessaires pour rendre la commercialisation possible de cette motorisation aux Etats-Unis, beaucoup plus stricte en matière d'émissions d'oxyde d'azote. En Europe, ils sont associés à un filtre à particules tandis qu'aux Etats-Unis, les motorisations comportent un système supplémentaire de traitement des NOx: un piège à NOx (LNT) pour la première génération de moteur, puis un dispositif SCR à partir de 2012.

Les moteurs de nouvelle génération (de type EA288) ne seraient, à priori, pas concernés par cette affaire. Toutefois, la commercialisation de ces motorisations à été stoppée par Volkswagen aux Etats-Unis: les instances gouvernementales américaines prévoyaient de toute façon de ne plus délivrer de certificat de conformité pour les moteurs diesel 2.0l du constructeur tant que Volkswagen ne fournit pas d'explications claires sur l'affaire en cours.

Moteur Volkswagen 2.0l TDI EA288 - système de dépollution

Les moteurs de type EA288 ont un système d'échappement profondémment modifié par rapport à la précédente génération. Ils ont été développés afin de respecter les normes européennes Euro 6 dont les critères d'émissions de NOx se rapprochent des normes américaines. Il est dès lors possible que cette nouvelle génération de moteur n'ait pas recours à l'implantation d'un logiciel malveillant. Les enquêtes en cours devront confirmer ou infirmer cette affirmation.

Les fournisseurs

Certains fournisseurs (dont Bosch, Faurecia et Plastic Omnium) ont déjà fait part de leur non-responsabilité dans l'affaire qui agite Volkswagen. De fait, le constructeur a l'entière responsabilité du cahier des charges et les différents fournisseurs développent et produisent les composants et les systèmes en adéquation avec ce cahier des charges.

Bosch aurait fourni à Volkswagen le logiciel malveillant en 2007 à des fins de développement (les moteurs incriminés n'étant pas encore en production à cette époque). L'équipementier aurait naturellement pris le soin d'informer le constructeur du caractère illégal de ce logiciel si ce dernier se retrouvait sur les moteurs de production. D'autre part, l'équipementier n'aurait possiblément pas délivré de calculateur contenant ce logiciel pour les modèles de série. L'injection du code est vraisemblablement du seul fait du constructeur.

Seul le constructeur a la vision globale du système d'échappement. Aussi simple ce dernier puisse paraître, un système d'échappement est composé de parties métalliques - dans lesquelles on trouve les susbstrats (construits à base de céramique, de cordierite ou de métal) - de capteurs (oxygène, pression, température, capteur de NOx, etc.), d'injecteurs (d'urée) et de calculateurs.

Détail système de dépollution SCR - Emitec

Tous ces composants sont généralement fournis par différents équipementiers et le constructeur en est le chef d'orchestre: c'est lui qui va définir la taille nécessaire des susbstrats, la stratégie d'injection, le fonctionnement des vannes EGR, le nombre de capteurs (et leur position) et la programmation du calculateur pour faire fonctionner le système d'échappement de manière à ce que le moteur respecte les critères d'homologation.

Néanmoins, la crise subie par Volkswagen risque d'avoir des conséquences notables en matière de ventes (notamment de motorisations diesel, mais par propagation, les ventes globales pourraient être touchées). Le volume de production pourrait alors amener à diminuer, impactant d'autant le chiffre d'affaires des équipementiers.

Les autres constructeurs

A l'origine, seul Volkswagen aurait dû être impliqué dans cette affaire et cette dernière aurait dû se limiter à la branche américaine du constructeur. Toutefois, le constructeur allemand, en évoquant le fait que toute une famille de moteur était touchée (soit environ 11 millions de moteurs vendus à travers le monde) va nécessairement semer le doute sur les autres constructeurs. En Europe, les motorisations diesel représentent plus de 50% des ventes de voitures neuves contre 1% environ aux Etats-Unis. 

Volkswagen Golf Sportsvan TDI BlueMotion

Régulièrement, les procédures d'homologation sont pointées du doigt en Europe du fait d'un écart important entre les données d'homologation et les émissions en conditions réelles. Il est connu que de nombreuses lacunes dans les procédures laissent une certaine marge de manoeuvre (allure stable, accessoires tels que la climatisation non utilisés pendant le cycle d'homologation, etc.) pour réduire les niveaux d'émissions de gaz polluants durant le cycle d'homologation. 

Néanmoins, il se pourrait que ses largesses ne soient pas suffisantes et que Volkswagen ait utilisé un logiciel malveillant pour réduire les émissions d'oxyde d'azote lors du cycle d'homologation en Europe. Plusieurs enquêtes ont été désormais diligentées en Europe. Si les faits sont avérés, il ne fait nul doute que Volkswagen pourrait bien ne pas être le seul constructeur impliqué dans cette affaire de tricherie.

Source: Volkswagen, Transport & Environnement, ICCT
Crédit photos: Volkswagen, Eberspächer, Emitec

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Commentaires

Remy

24 septembre 2015 à 21h35

En Belgique - le NOx n'est pas testé lors du contrôle technique annuel que les véhicules de plus de 4 ans doivent subir - qu'en est-il en France?
Les USA disposent-ils d'un système de contrôle technique semblable ?
Bien à vous.
RC

25 septembre 2015 à 07h35

En France les NOx ne sont pas mesurés non plus lors du contrôle technique. Une évolution était déjà en discussion sur ce point pour 2017. Nul doute que cette affaire va contribuer à cette évolution.
Guillaume Darding [administrateur]

25 septembre 2015 à 08h04

Effectivement, durant le contrôle technique, seule l'opacité des fumées est contrôlée pour un moteur diesel, que ce soit en France ou en Belgique.

Aux Etats-Unis, le processus est un peu plus complexe car il peut être spécifique à chaque état. Néanmoins, en Californie, l'un des états les plus prévenants en matière de pollution, il y a un test d'émission à réaliser tous les 2 ans. Pour les véhicules les plus anciens (avant 2000), les gaz sont prélevés à la sortie de l'échappement et le monoxyde de carbone (CO), les hydrocarbures (HC) et les oxydes d'azote (NOx) sont contrôlés. Pour les véhicules plus récents, l'organisme de contrôle se connecte à l'ordinateur de bord des voitures (OBD) pour analyser les défauts éventuels en lien avec les émissions de gaz polluants.
Valentmi

27 septembre 2015 à 16h56

Personne n'a expliqué pourquoi il est intéressant d'augmenter les NOx en fonctionnement sur route, c'est dommage.
Plus de NOx c'est plus de rendement de combustion (plus de chaleur) donc moins de consommation de carburant pour le client.
Et si c'est en injectant moins d'Adblue (urée) c'est moins de consommation d'AdBlue pour le client.
dans tous les cas les clients y gagnent en conso réelle. Ils n'auront donc pas intéret à mettre à jour leur voiture si c'est proposé.
NB moins de conso réelle c'est moins de CO2 réel aussi...
Valentmi

27 septembre 2015 à 17h02

Les véhicules équipés de SCR sont aussi équipé de deux sondes de mesure de NOx (In et OUT) ce qui permet de mesurer l'efficacité du SCR.
Il suffit de monitorer et de faire des statistiques pour détecter une triche et de vérifier au controle technique qu'elles sont conformes.
Guillaume Darding [administrateur]

28 septembre 2015 à 09h56

Bonjour Valentmi, merci pour vos commentaires.

Les problèmes de calibration de l'injection d'AdBlue (compromis à trouver entre réduction des oxydes d'azote et consommation d'AdBlue) ont été évoqués plusieurs fois sur ce site (notamment dans l'article de présentation du SCR ou de la présentation de la nouvelle A4). Concernant le rapport entre les réduction des NOx et le rendement de combustion, un article devrait être consacré au fonctionnement de l'EGR et il reprendra nécessairement la thématique de la réduction des NOx.

Pour information, la plupart des systèmes SCR ne sont plus équipés que d'une seule sonde NOx en aval du SCR.

Etant donné qu'il peut être relativement facile de détecter si le véhicule est en phase de test (contrôle technique, phase d'homologation,...) parce que le test doit répondre à un protocole précis, lire les données de la sonde NOx pendant le passage au contrôle technique, par exemple, ne serait pas un moyen suffisant pour évaluer la présence ou non d'un logiciel malveillant.
ndrina

27 octobre 2015 à 08h54

Bonjour
Sur ces moteurs VW EA 189 (blue motion) concernés par la Fraude, quelles sont les modifications que compte faire VW? ne vont elles pas impacter directement la performance , autrement dit les voitures équipées de ce fameux moteur ne correspondent en rien au catalogue..... le sigle blue motion c'est de la pure FRAUDE .
Que peuvent exiger les consommateurs dans ce cas.
Guillaume Darding [administrateur]

27 octobre 2015 à 12h20

Il y aura, pour sûr, des modifications logicielles (pour au moins supprimer le logiciel malveillant et éventuellement modifier la cartographie moteur) et peut-être des modifications matérielles (le 1.6l TDI recevrait de nouveaux injecteurs).
Ces informations restent toutefois à prendre au conditionnel car, au départ, la fraude ne concerne que les véhicules vendus aux Etats-Unis et n'affectent que les émissions d'oxydes d'azote.

En Europe, la situation n'est pas encore tout à fait claire:
1)Il se peut très bien que le logiciel malveillant soit présent dans tous les calculateurs des moteurs EA189 et que ce logiciel ne serve qu'à tromper les tests US. Dans ce cas de figure, Volkswagen pourrait se contenter de supprimer le logiciel de tous les calculateurs et il n'y aurait pas d'incidence sur les performances ou la consommation.

2) si Volkswagen a dû aussi recourir à ce logiciel aussi pour passer les normes européennes, les choses se corsent pour le constructeur car il devra reprogrammer le moteur, notamment en augmentant le taux de recirculation des gaz d'échappement, ce qui aurait possiblement une incidence sur la réactivité du moteur, sa consommation et les émissions de particules (prises en charge par le filtre à particules).

3) Dans certains cas, selon les dernières rumeurs concernant le 1.6l TDI, le constructeur serait amené à changer les injecteurs et il est aussi question du filtre à particules. Pourquoi ce moteur en particulier? Il n'y a pas encore de réponse à ce sujet.

Il faut attendre les prochaines semaines pour mieux appréhender la situation: tant que Volkswagen n'a pas communiqué les détails du rappel, toutes les hypothèses sont envisageables...
Il faut aussi garder à l'esprit que le développement d'un moteur et de son système de dépollution prend normalement quelques années et que Volkswagen travaille actuellement à trouver une solution en quelques mois: on peut légitimement penser que les modifications resteront mineures avec une incidence limitée sur les caractéristiques du moteur.

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