A l'occasion de la renaissance d'Alpine, Renault a développé le 1.8l TCe, un moteur principalement destiné aux modèles sportifs du constructeur. Pour ce moteur, le constructeur n'est pas parti d'une feuille blanche mais il s'est appuyé sur une base connue et reconnue au sein de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.
Appellation
Le moteur 1.8l TCe est aussi connu sous le nom de code MR18DDT (ou, en version abrégée, MR18). Plus rarement, la dénomination M5Pt est aussi utilisée. L'appellation 1.8l TCe est une appellation commerciale. Elle est généralement utilisée sans la mention de la cylindrée mais avec la valeur de la puissance accolée.
L'appellation MR18DDT est un code utilisé au sein de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi où le "M" désigne la famille moteur, le R indique qu'il s'agit d'un moteur en ligne (de l'allemand "Reihe"), le nombre 18 se réfère à la cylindrée du moteur. Le premier "D" indique que le moteur est équipé d'un double arbre à cames en tête, le second "D" désigne le fait que le moteur est à injection directe. Enfin, le "T" montre que le moteur est turbocompressé.
L'appellation M5Pt est une désignation spécifique à Renault. "M" correspond à la famille moteur. Le chiffre 5 indique qu'il s'agit d'un moteur à injection directe. La lettre "P" indique la classe de cylindrée du moteur tandis que le "t" montre que le moteur est turbocompressé.
Architecture
Le moteur MR18 est un moteur de 4 cylindres en ligne de 1798 cm3 de cylindrée. Il est étroitement dérivé du 1.6l TCe avec lequel il partage, notamment l'alésage de 79,7 mm. La course est de 90,1 mm dans le cas du MR18 : il s'agit donc d'un moteur longue course. Le 1.8l TCe a un taux de compression de 9,0:1. Le bloc moteur et la culasse sont en aluminium.
Le 1.6l TCe est présent dans de nombreux modèles de l'Alliance. De plus, Ce moteur possède déjà des prédispositions sportives : il motorise, notamment, le Nissan Juke Nismo RS ainsi que la Clio RS de quatrième génération.
L'axe du vilebrequin est décalé par rapport à l'axe des cylindres. Cette technique permet de réduire les efforts sur les bielles et le vilebrequin lorsque le piston entame sa descente. De plus, cette disposition permet de réduire la vitesse du piston au niveau du point mort haut (le piston passe donc plus de temps dans cette zone), ce qui permet d'améliorer l'homogénéité de la combustion dans le cylindre.
Performances
Le 1.8l TCe existe en 5 niveaux de puissance :
- 225 chevaux (Renault Espace, Renault Talisman)
- 252 chevaux (Alpine A110)
- 280 chevaux (Megane R.S.)
- 292 chevaux (Alpine A110S)
- 300 chevaux (Megane R.S. Trophy / Megane R.S Trophy R)
Pour chaque version, la calibration moteur privilégie soit le caractère sportif (puissance maximale à haut régime) ou la disponibilité du couple à bas régime, en fonction des caractéristiques du véhicule dans lequel le moteur est présent.
Ainsi, même si l'Alpine A110S a une puissance similaire à la Mégane R.S. Trophy, les 2 moteurs ont chacun un comportement bien typé : dans le cas de l'Alpine, il faut aller chercher la puissance à haut régime tandis que la Megane R.S. peut compter sur un couple bien plus important. Cette différence tient compte de la différence de masse significative entre les deux véhicules et du fait que l'Alpine est une propulsion tandis que la Mégane R.S. est une traction.
De plus, en limitant volontairement le couple à 320 N.m, Alpine a pu utiliser une boîte de vitesses robotisée à double embrayage à 7 rapports (référence 7DCT300) plus lègère que celle utilisée dans la Mégane R.S. (référence 6DCT451) à 6 rapports. Le gain de masse est de l'ordre de 15 kg. Dans les 2 cas, la boîte EDC est fournie par Getrag.
Turbocompresseur
Le MR18 est équipé d'un turbocompresseur twin-scroll. Ce type de turbo a pour particularité de séparer les gaz d'échappement en provenance des différents cylindres dans le collecteur afin d'éviter les interférences entre cylindres. Ainsi, les branches des échappements 1 et 4 sont isolées des branches d'échappements 2 et 3 (considérant l'ordre d'allumage classique 1-3-4-2 d'un moteur 4 cylindres).
Par exemple, lorsque le cylindre 1 expulse les gaz hors du cylindre, un pic de pression se transmet de la sortie du cylindre vers le turbocompresseur : c'est ce pic de pression qui va entraîner la rotation de la turbine.
Or, pendant cette phase, dans le conduit d'échappement du cylindre 2, qui vient de compléter sa phase d'échappement, il règne une dépression qui va avoir tendance a attirer une partie du pic de pression en direction du conduit d'échappement du cylindre 2 (plutôt que d'aller en direction du turbocompresseur). Il y a donc une interférence qui va atténuer le pic de pression transmis au turbocompresseur : la pression de suralimentation devient sensiblement plus faible.
Ce comportement est assez flagrant à bas régime où les ondes de pression sont plus lentes et moins élevées : c'est le phénomène bien connu de temps de réponse du turbocompresseur (turbo lag). D'autre part, toujours dans le but d'améliorer la réactivité du turbo, la soupape de décharge (wastegate) est actionnée électriquement.
Enfin, la turbine est montée sur des roulement à billes en céramique plutôt qu'en acier, ce qui réduit significativement les frictions, au bénéfice du rendement et de la réactivité du turbocompresseur.
Distribution
Le 1.8l TCe est équipé de 16 soupapes. La distribution se fait par chaîne. Le calage des soupapes est variable à l'admission et à l'échappement et il est modifié grâce à des actuateurs hydrauliques.
Les soupapes sont actionnées à l'aide de poussoirs hydrauliques (attaque directe). De plus, les soupapes d'échappement sont creuses et remplies au sodium pour favoriser la déperdition de chaleur.
Admission
Le MR18 est équipé d'un collecteur d'admission à géométrie variable. Des clapets permettent de modifier, en fonction du régime et de la charge moteur, le comportement des gaz à l'intérieur du cylindre.
A faible charge et/ou faible régime moteur ainsi que lors d'un démarrage à froid, les clapets sont fermés et permettent d'initier un mouvement de tourbillon autour de l'axe du cylindre (swirl). Dans ces conditions de faible débit de gaz, le swirl est le mouvement le plus efficace pour optimiser l'homogénéité du mélange air/carburant à l'intérieur du cylindre.
Dans tous les autres cas, les clapets sont ouverts afin d'optimiser le remplissage des cylindre. Dans ces conditions, ce sont de fortes turbulences verticales (tumble) qui sont générées à l'intérieur du cylindre et qui permettent d'améliorer l'homogénéité du mélange air/carburant dans ce dernier.
Echappement
Les premières versions du 1.8l TCe ont été homologuées selon la norme Euro 6b. A cet effet, la dépollution était assurée par un catalyseur 3 voies. Quelques mois plus tard, afin de se mettre en conformité avec les normes Euro 6d-TEMP, un filtre à particules a été ajouté.
Dans le cas de la Mégane R.S., de la Talisman et de l'Espace, la ligne d'échappement est classique avec un silencieux intermédiaire et un silencieux arrière comportant :
- une unique sortie latérale dans le cas de la Talisman et de l'Espace
- une double sortie d'échappement centrale dans le cas de la Mégane.
De part sa position centrale arrière, la ligne d'échappement de l'A110 est réduite à sa plus simple expression. Les gaz d'échappement passent directement dans un grand silencieux à double sortie centrale.
Un clapet (actionné électriquement) est intégré dans l'une des sorties d'échappement de la Mégane R.S. Trophy et de l'Alpine A110S. L'Alpine A110 n'en dispose pas de série (sauf la Premiere Edition), mais cet équipement est disponible en option (échappement sport actif).
Au ralenti et à forte charge, le clapet est ouvert, ce qui a pour conséquence de diminuer la contrepression de la ligne d'échappement, de modifier la sonorité du moteur et d'augmenter sensiblement le niveau sonore de la ligne d'échappement. A faible régime moteur et à faible charge, le clapet reste fermé pour diminuer le bruit à l'échappement. Selon le mode de conduite choisi par le conducteur au tableau de bord, l'ouverture du clapet est plus ou moins retardée en fonction du régime moteur atteint.
Injection
Les injecteurs sont installés sur le côté du cylindre et la pression d'injection peut atteindre 200 bar. Ils comportent 8 trous pour optimiser la diffusion du carburant dans le cylindre.
Lors d'un démarrage à froid, pendant les premières secondes, le moteur fonctionne à charge stratifiée : une première injection a lieu lors de la phase d'admission de manière à obtenir un mélange pauvre dans le cylindre.
Puis, à la fin de la compression, une seconde injection a lieu pour obtenir un mélange riche près de la bougie. Cette technique permet d'accélérer la mise à température du système d'échappement (les phases de démarrage à froid étant les plus critiques en matière d'émissions polluantes).
Cette technique n'est pas sans rappeler le mode de fonctionnement du Mazda Skyactiv-X. Pourtant, elle en diffère largement dans le fait que la combustion se fait exclusivement par la propagation du front de flamme dans le cylindre dans le cas du moteur Renault, tandis qu'il s'agit d'un allumage par compression dans le cas du Mazda (initié par un allumage par bougie).
Gestion de la température
La gestion de la température moteur est intégralement reprise du moteur Nissan MR16. Un boîtier vient suppléer le thermostat pour accélérer la mise en température du moteur et optimiser le fonctionnement du circuit de refroidissement en fonction des besoin.
A basse température, le liquide de refroidissement ne circule que dans la culasse : il n'y a pas de circulation d'eau à travers le bloc moteur, cela afin d'accélérer la mise à température du moteur. Lorsque les chambres de combustion atteignent leur température optimale, une vanne s'ouvre afin de permettre la circulation de liquide à travers le bloc et de refroidir à la fois le haut et le bas moteur.
Lorsque la demande en puissance est modérée et la vitesse inférieure à 80 km/h environ, la température du liquide de refroidissement peut atteindre 105 °C. Lorsque le moteur est plus sollicité, la température redescend aux alentours de 90 °C.
Cette régulation de la température se fait à l'aide du module de gestion de la température qui entraîne ou non la circulation du liquide de refroidissement à travers l'ensemble du bloc moteur. Enfin, le turbocompresseur est constamment refroidi par eau.
Réduction des frottements
Les cames, les poussoirs de soupapes et les paliers de vilebrequin reçoivent des revêtements à très basse friction pour améliorer le rendement moteur. Dans le cas des cames et des paliers de vilebrequin, il s'agit d'un revêtement nanocristallin. Les poussoirs de soupapes ont un revêtement DLC (Diamond Like Carbon).
Comme pour le 1.3l TCe, les fûts de cylindres recoivent aussi un revêtement projeté par plasma leur donnant un effet miroir destiné à amélioré l'état de surface des cylindres.
Enfin, la pompe à huile est à volume variable. Ce type de pompe permet d'ajuster le débit d'huile en fonction des besoins réels et d'éviter d'avoir à abaisser la pression à l'aide d'un régulateur de pression, ce qui résulterait en un gaspillage d'énergie avec un quantité d'huile circulant inutilement.
Composants spécifiques
Selon le niveau de puissance et le véhicule dans lequel le moteur est monté, certains composants sont spécifiques d'une version de puissance à l'autre. Par spécifique, il faut comprendre que la forme de chaque composant est généralement identique, mais les matériaux utilisés peuvent être différents.
Certains composants sont directement repris du 1.6l TCe tandis que d'autres sont adaptés afin de mieux supporter les contraintes inhérentes à un moteur sportif telles que des régimes moteurs plus élevées et des niveaux de température supérieurs.
Finalement, le développement du MR18 est un vaste compromis entre la recherche de performance et la rationnalité économique en réutilisant un maximum de composants existants.
Production
Le 1.8l TCe est assemblé en Corée du Sud, dans l'usine Renault-Samsung de Busan. Il est ensuite expédié en France dans l'usine de Dieppe (assemblage des Alpine A110) et de Douai (production des Renault Talisman) ainsi qu'en Espagne dans l'usine de Palencia (assemblage des Megane R.S.).
L'usine de Busan, située dans le sud du pays, produit aussi bien des véhicules (environ 215.000 par an) que des moteurs (environ 90.000 par an). Cette usine a été construite en 1995 d'une association entre le groupe Samsung et Nissan avant d'être reprise par Renault en 2000.
Crédits photos : Renault / Alpine / BMW (illustration turbocompresseur twin-scroll)
Illustrations et graphiques : Guillaume Darding
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25 avril 2020 à 09h45
Encore un très bon article signé par notre ami Guillaume !!!Dommage que ce moteur fasse déjà parler de lui en mal ... https://www.largus.fr/actualite-automobile/rappels-alpine-a110-2019-risque-de-casse-moteur-9947390.html