Mis à mal sur le marché américain depuis mi-septembre pour une affaire de tricherie au sujet de ses moteurs diesel, de multiples révélations accablent chaque jour un peu plus le constructeur allemand mondialement. Pour autant, si ces affaires ne concernent que le constructeur allemand, il se pourrait que la concurrence ne soit pas épargnée dans les semaines à venir.
Aux Etats-Unis: il n'y aurait pas que le 2l TDI
Initialement, le scandale Volkswagen ne concernait que les moteurs 2.0l TDI de la famille EA189. Toutefois, début novembre, l'EPA (garant de l'autorité américaine en matière de protection de l'environnement) a envoyé un second avertissement à l'attention de Volkswagen. Selon l'organisme américain, le V6 3.0l TDI serait lui aussi équipé d'un logiciel ajustant les caractéristiques du moteur lorsque le véhicule effectue un cycle d'homologation.
Concrètement, lorsque le calculateur estime que le véhicule est en phase d'homologation, il se met dans un mode de fonctionnement spécifique en agissant sur les points d'injection, le taux de recirculation des gaz et la pression de carburant pour augmenter au plus vite la température des gaz d'échappement pendant les 23 premières minutes du cycle (qui en compte 31 au total). Ce comportement permet d'atteindre la température minimale de fonctionnement du dispositif SCR plus rapidement afin de minimiser les émissions de NOx lors d'un démarrage à froid.
Là où le bât blesse, c'est que ce mode ne serait pas actif lors d'un démarrage à froid effectué dans des conditions différentes de celles du cycle d'homologation: le moteur fonctionnerait systématiquement en mode normal. En toute logique, le mode de fonctionnement spécifique devrait être actif lors de chaque démarrage à froid et le système repasserait en mode normal une fois un certain seuil de température atteint. L'EPA a mis en évidence que tel n'était pas le cas et que ce mode n'était activé que dans des conditions bien précises (celles du cycle d'homologation) et pour un laps de temps bien précis.
L'intérêt d'utiliser le mode normal permet de bénéficier d'un moteur plus souple et consommant moins de carburant lors d'un démarrage à froid, au détriment des émissions d'oxydes d'azote notamment.
Bien que le groupe Volkswagen ait formulé un démenti à ce sujet, le groupe a toutefois décidé de retirer momentanément de la vente les modèles incriminés, à savoir le Volkswagen Touareg, le Porsche Cayenne et les Audi A6, A7, A8 et Q5 équipés du V6 3.0l TDI. Le 2.0l TDI a déjà été retiré de la vente aux USA, toutes générations confondues.
En Europe: les émissions d'oxydes d'azote seraient aussi trop élevées
Vraisemblablement, les moteurs diesel de la génération EA189 font aussi l'objet d'irrégularités en Europe en matière d'émissions d'oxyde d'azote. Le problème est d'une ampleur plus limitée qu'aux Etats-Unis car, au contraire des normes américaines, les normes Euro 5 ne nécessitent pas l'utilisation d'un dispositif de traitement des NOx (SCR, piège à NOx): l'EGR (recirculation des gaz d'échappement) est capable de diminuer suffisamment les émissions de NOx pour respecter les normes.
Il semble néanmoins que Volkswagen ait éprouvé de grandes difficultés de mise au point avec cette génération de moteur. De fait, la famille EA189 est la première génération de moteurs Volkswagen à utiliser un système d'injection à rampe commune (quelques moteurs étaient déjà équipés de cette technologie au sein du groupe, mais ils étaient produits en petite série).
Auparavant, le constructeur était resté fidèle aux injecteurs-pompes. En se tournant vers tardivement vers la rampe commune, le groupe avait accumulé un retard conséquent par rapport aux autres constructeurs qui avaient massivement adopté cette technologie.
Au final, le 1.2l TDI et le 2.0l TDI pourraient se contenter d'une mise à jour logicielle du calculateur pour remettre les moteurs aux normes. Cela pourrait avoir une légère incidence sur la consommation et la souplesse du moteur. Pour le 1.6l TDI, le problème est peut-être plus profond et pourrait nécessiter, outre une mise à jour logicielle, un changement des injecteurs.
Toujours en Europe: triche sur les émissions de CO2
A la suite de multiples enquêtes menées en interne, un ou des ingénieurs ont évoqué une manipulation des chiffres d'émissions de CO2. Pour abaisser artificiellement ces émissions, Volkswagen aurait utilisé quelques astuces bien connues pour économiser quelques grammes de dioxyde de carbone. Il s'agit notamment de surgonfler les pneus (à une pression de 3,5 bars) et de mélanger du diesel à l'huile moteur pour la rendre plus fluide et réduire ainsi les frictions internes.
Ces révélations n'ont pourtant rien de surprenant: des organisations telles que Transport & Environnement (organisation non gouvernementale) dénoncent depuis des années le fait que beaucoup de constructeurs utilisent ces artifices pour abaisser significativement les émissions de CO2 lors des cycles d'homologation. D'autres facteurs sont régulièrement cités, il s'agit, de manière non exhaustive, de:
- déconnecter l'alternateur
- sélectionner le véhicule le mieux assemblé pour réduire la traînée aérodynamique (note: ce paramètre est mesuré sur route pour déterminer ensuite les facteurs de résistance sur le banc à rouleaux)
- choisir les pneus à la résistance au roulement la plus faible possible
- repousser au maximum les plaquettes de frein dans l'étrier pour éviter tout frottement avec les disques
- etc.
Sur ce point, il se pourrait donc qu'il y ait des répercussions sur les autres constructeurs. Au niveau du groupe Volkswagen, 800.000 véhicules sont concernés. Il s'agit des moteurs 4 cylindres TDI de cylindrée 1.4l, 1.6l et 2.0l montés transversalement ainsi que la motorisation essence 1.4l TFSI.
Les réactions en Europe
S'il est trop tôt pour juger de l'impact de cette affaire en matière de ventes, il est certain que certains concessionnaires en Europe vont souffrir: le groupe D'Ieteren, importateur du groupe Volkswagen en Belgique, a décidé de retirer de son offre commerciale tous modèle équipé d'un des moteurs mis en cause. Ce retrait est temporaire et touchera à sa fin lorsque Volkswagen mettra en place des solutions pour remettre les moteurs aux normes.
Ce faisant, la Golf n'est plus disponible, en diesel, qu'avec le nouveau moteur 2.0l TDI (EA288) de 150 chevaux. Ce moteur étant fortement taxé dans le royaume belge par rapport au coeur de gamme 1.6l TDI, le niveau des ventes va mécaniquement baisser. A ce jour, aucun autre pays n'a mis en place de mesure aussi radicale.
En France, la Ministre de l'Ecologie a lancé une grande campagne de mesures sur 100 véhicules représentatifs du marché français. Pour ce faire, les instances gouvernementales ont mandaté l'UTAC. L'entreprise privée doit, dans un premier temps, établir un protocole de mesures sur 10 véhicules d'ici la fin du mois de novembre avant de réaliser ensuite les mesures sur les autres véhicules.
Les batteries de tests comporteront à la fois des mesures sur bancs à rouleaux et des mesures sur le circuit de Linas-Montlhéry pour établir s'il y a des écarts significatifs entre les mesures sur banc (reproduisant les conditions d'homologation) et les mesures sur route.
A la lumière des premiers essais, il semblerait que les véhicules Volkswagen équipés d'un moteur diesel de la génération EA189 émettent effectivement plus d'oxydes d'azote que les véhicules concurrents. Les véhicules du groupe Volkswagen émettraient jusqu'à 5 fois plus de NOx par rapport à la limite légale en conditions réelles tandis que la concurrence se limiterait à un facteur 2 (Note: il n'y a pas, à l'heure actuelle, de publication à ce sujet, il s'agit de propos rapportés lors d'une interview de la Ministre de l'Ecologie menée par France Info en date du 6 novembre).
La concurrence
Si certaines études ont pu pointer des hypothèses de tricherie, aucune n'est aujourd'hui suffisamment fiable dans son approche pour en tirer de réelles conclusions. C'est le cas notamment de mesures réalisées sur banc d'essai à rouleaux avec un Opel Zafira. Ces mesures, commanditées par une ONG allemande (Deutsche Umwelhilfe), tendent à montrer un comportement différent du système SCR selon que les roues arrières du véhicule soient entraînées ou non.
Selon cette étude, lorsque seules les roues avant sont entraînées (reproduisant en cela les conditions d'homologation), les émissions respectent bien les niveaux requis. En revanche, lorsque les 4 roues sont entraînées, le niveau d'émissions est beaucoup plus élevé (jusqu'à 4 fois au-dessus du seuil réglementaire).
Toutefois, les résultats ne donnent pas entière satisfaction puisqu'on peut noter un écart de plus de 20% entre 2 mesures normalement identiques sans que l'organisme ne fournisse d'explications ou même d'hypothèses à ce sujet. Toujours selon le rapport de l'étude, il serait possible de déconnecter l'injecteur d'AdBlue sans que le véhicule n'émette de signal d'alarme au tableau de bord.
Les conclusions restent finalement sujettes à caution et Opel a par ailleurs communiqué un démenti à ce propos.
Conclusion
Au fil des jours, l'affaire Volkswagen prend de plus en plus d'ampleur et il se pourrait qu'elle n'en soit qu'à ses balbutiements, tant au sein du groupe allemand que pour les autres constructeurs. Il est difficile d'évaluer exactement les dégâts et les conséquences que cette affaire pourra provoquer au sein du constructeur allemand.
Les arrangements, plus ou moins légaux, lors des tests d'homologation en Europe sont connus et dénoncés depuis de nombreuses années. Jusqu'à présent, les différents messages d'alerte n'avaient pas forcément été pris en considération, tant et si bien que, sans l'affaire Volkswagen, l'application du nouveau cycle d'homologation et des mesures en conditions réelles n'auraient peut-être jamais vu le jour avant de nombreuses années.
Désormais, il est plus que probable que l'échéancier initial soit respecté, à savoir une application du cycle de mesure WLTP dès 2017. D'autre part, ce test effectué en laboratoire sera accompagné de mesures en conditions réelles (RDE) qui permettra de modérer les écarts entre tests normalisés et les conditions de conduite réelles.
Dans un premier temps, elle ne devraient pas être prises en compte dans le processus d'homologation (elles seront réalisées à titre informatif), mais il ne fait que peu de doutes qu'il y aura une demande forte de la part du grand public pour accéder à la publication de ces données.
Source: EPA, DUH, D'Ieteren, France Info, Transport & Environnement, Volkswagen, Opel
Crédits photos: Transport & Environnement, Volkswagen, DUH / Holzmann, Union Européenne, Tüv Hessen
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