Depuis le 1er septembre 2017, les procédures d’homologation en matière d’émissions polluantes ont évolué avec l'ambition de ne plus reproduire les errements du passé. A cet effet, le cycle NEDC a pris une retraite bien méritée au profit de nouvelles procédures (WLTP) associées à des mesures en conditions de conduite réelles (RDE).
Mise en application
Depuis septembre 2014, les normes Euro 6b étaient en vigueur. A partir du 1er septembre 2017, les normes Euro 6d temp entrent progressivement en application.
Les nouvelles normes d’émissions sont applicables à tout nouveau type de véhicule. Elles ne s’appliquent donc pas, dans un premier temps aux véhicules neufs qui ont déjà été homologués, ni aux éventuels véhicules restylés. Tous les véhicules seront concernés par cette nouvelle norme à partir du 1er septembre 2019.
Les normes Euro 6d temp conservent les mêmes niveaux d’émissions que les normes Euro 6b. Au 1er septembre 2018, les nouveaux moteurs essence devront satisfaire à la norme Euro 6c, ce qui mettra fin à l’avantage dont ils bénéficient en matière d’émissions sur les particules fines en nombre.
Enfin, au 1er janvier 2020, la norme suivante, dénommée Euro 6d (parfois aussi appelée Euro 6d full pour éviter les risques de confusions entre les évolutions de la norme Euro 6d), entrera progressivement en vigueur. Cette norme, en matière de niveaux d’émissions, reste identique à la norme Euro 6d temp à la réserve près que le facteur de conformité des émissions (utilisé lors des mesures RDE) est ramené à 1,5 au lieu de 2,1 avec la norme Euro 6d temp.
En plus de ces normes, les constructeurs restent aussi soumis à l’objectif de 95 g de CO2 par kilomètre en moyenne sur l’ensemble des véhicules neufs vendus à partir de 2021.
Cycle de test WLTC
Le cycle WLTC est un cycle réalisé sur un banc à rouleaux, à l’image du cycle NEDC. Toutefois, le WLTC cherche à gommer les défauts du NEDC. Il comporte notamment des accélérations plus franches et une vitesse moyenne plus élevée. Néanmoins, restant un test de laboratoire, il subsistera toujours un écart entre les consommations évaluées lors du test et celles atteintes dans la réalité.
Il est toutefois attendu que la différence entre ces deux résultats n’excède pas 10% (contre 10% à plus de 100% dans le cas du NEDC) et que cette différence ne dérive pas au fil des années grâce à la mise en place conjointement de tests en conditions de conduite réelles (RDE).
Le cycle WLTP a été développé sous l’égide de l’ONU par des experts internationaux (en particulier en provenance d’Europe, du Japon et de l’Inde). Il se veut bien plus représentatif des conditions de conduite réelles.
Le cycle WLTC se décompose en 4 phases (contre 2 pour le NEDC):
- Basse vitesse
- Moyenne vitesse
- Haute vitesse
- Extra-haute vitesse
Contrairement au cycle NEDC, il n’y a pas de rapport de boîte de vitesses prédéfini pour chaque partie du cycle. Sous certaines conditions (être légèrement au-dessus du régime de ralenti lorsque le rapport supérieur est passé, la puissance disponible sur le rapport utilisé à un régime donné doit être supérieure à la puissance requise par le cycle), le constructeur choisit le rapport qu’il considère comme optimal pour réduire la consommation et les émissions du véhicule testé.
Il n’est pas autorisé de sauter un rapport en phase d’accélération (passer directement du 1er au 3ème rapport par exemple). De plus, il n'est pas autorisé de rétrograder en cours d’accélération. Si cela est nécessaire, le rétrogradage doit se faire avant le début de la phase d'accélération.
Les moteurs fonctionnant à la fois au GPL et à l’essence doivent être testés avec les deux carburants. Il en va de même pour les véhicules acceptant l’E85. Les essais d’homologation doivent être répétés au minimum tous les 3 ans tant que le type de véhicule est produit.
Les essais d’homologation WLTC se font sur des véhicules issus des chaînes de production (il peut s’agir d’exemplaires de pré-série) comptabilisant un maximum de 80 km. Le carburant utilisé pour les essais est issu du commerce.
Si des appendices mobiles sont présents (tel un aileron à l’arrière), ceux-ci doivent être pris en compte dans l’évaluation de la résistance à l’avancement. D’autre part, les émissions doivent respecter les limites prescrites quel que soit le mode de conduite sélectionné (dans le cas d'un sélecteur de profil tel que le DNA proposé par Alfa Romeo). Néanmoins, à l’image du cycle NEDC, la consommation des accessoires (climatisation, autoradio,…) n’est pas prise en compte.
Le test WLTC se déroule à une température 23 °C. Les mesures se font en considérant un démarrage à froid (le liquide de refroidissement n'est donc pas à sa température optimale au départ de l'essai).
Dans la forme, le cycle WLTP est beaucoup plus complexe que ne peut l’être le cycle NEDC, il comporte notamment bien plus de zones transitoires (accélération, freinage) que son prédécesseur. Toutefois, les accélérations restent faibles (le 0 à 50 km/h s’effectue en 15 secondes environ).
Si ces conditions sont bien représentatives des conditions de conduite actuelles, il aurait été souhaitable d’ajouter une forte accélération durant la phase à haute vitesse par exemple, ce qui aurait simulé un dépassement sur route nationale.
Mesures en conditions de conduite réelles RDE
Les mesures en conditions de conduite réelles visent à éviter les dérives des émissions de gaz polluant entre les mesures effectuées en laboratoire pour le cycle d’homologation et le véhicule conduit quotidiennement sur route.
Si l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre et de gaz polluants est mesuré durant un essai RDE, seules les émissions de NOx sont discriminantes. Ainsi, pour Euro 6d temp, les émissions de NOx ne doivent pas être supérieures à 2,1 fois les émissions admissibles pour un véhicule homologué sous cette norme.
Autrement dit, pour un véhicule diesel, la norme impose des émissions d’oxyde d’azote inférieures à 80 mg/km lors du cycle d’homologation WLTP. Lors des mesures RDE, le véhicule ne devra pas émettre plus de 168 mg/km de NOx pour être homologué.
A terme, un facteur discriminant devrait aussi être introduit concernant les émissions de particules. De fait, les systèmes de mesures permettant d’évaluer ce critère sont récents: tant les constructeurs que le législateur manquent encore de recul sur ce point.
Les mesures en conditions de conduite réelles sont applicables à tous les constructeurs vendant plus de 1.000 véhicules par année. Un délai supplémentaire est accordé pour les constructeurs vendant moins de 10.000 véhicules par an. Toutefois, les émissions de NOx doivent être surveillées d’une manière ou d’une autre.
Lorsque le petit constructeur fait partie d’un groupe (tel Lamborghini au sein du groupe Volkswagen), la marque est considérée comme petit constructeur si et seulement si le constructeur possède ses propres usines et ses propres centres techniques.
Les essais RDE sont réalisés sur route ouverte. Ces derniers reprennent les différentes étapes du cycle WLTP. Ils doivent donc commencer par une partie urbaine, suivi d’une portion hors agglomération et d'une section sur autoroute. Les tests en conditions de conduite réelles se déroulent sur des routes dont l’altitude est inférieure à 700 mètres et des températures comprises entre 0 °C et 30 °C.
Pour que l’essai RDE soit validé, les niveaux d'accéleration ne doivent pas excéder certains seuils, proche des niveaux définis dans le cycle WLTP. Les émissions de gaz sont comptabilisées une fois que le liquide de refroidissement a atteint 70 °C ou, au plus tard, 5 minutes après le démarrage du moteur.
Chacune des portions doit représenter environ (à plus ou moins 10% près) un tiers du circuit. Dans tous les cas, la partie urbaine doit représenter un minimum de 29% de la distance totale du parcours. L’essai RDE dure entre 90 minutes et 120 minutes.
Autres conditions d’homologation
Le constructeur doit être capable de garantir que les systèmes de traitement des gaz d’échappement restent conformes aux données d’homologation pendant une période de 5 ans ou 100.000 km.
Si le règlement ne prévoit pas d’essais systématiques, au moins ce point permet-il de justifier les mesures effectuées régulièrement par des organismes indépendants tels que l’ICCT qui disposent généralement de véhicules de location pour effectuer leurs mesures.
D’autre part, le constructeur doit fournir une fiche descriptive de la calibration moteur précisant, le cas échéant, dans quelles conditions les dispositifs de dépollution peuvent être désactivés (en fonction de la température, de l’altitude,…). Ces dérogations ne sont acceptables que si le constructeur parvient à démontrer la remise en cause de la fiabilité moteur dans ces conditions.
Enfin, Le constructeur doit décrire la stratégie de fonctionnement de l’EGR, notamment à basse température et ses effets sur les émissions. Il en va de même pour les systèmes de traitement des NOx (SCR, piège à NOx).
Impact sur les véhicules
Pour les véhicules, notamment diesel dans un premier temps, la norme Euro 6d temp va inciter à revoir en profondeur leur moteur en améliorant encore le rendement (réduction des frictions internes, optimisation du mélange air/carburant dans les cylindres,…) ainsi qu’à revoir les stratégies de fonctionnement des dispositifs de dépollution tels que le filtre à particules ou les dispositifs de traitement des NOx.
Sur les petits moteurs diesel (de cylindrée inférieure ou égale à 1.6l), certains constructeurs pourraient se passer d’un système SCR au prix d’un piège à NOx (réputé moins efficace) de plus gros volume et contenant plus de métaux précieux (donc le coût ne sera pas nécessairement inférieur à celui d’un système complet SCR). C’est en tout cas la voie initiée par Honda sur la nouvelle Civic 1.6l i-DTEC.
De son côté, Renault devrait néanmoins progressivement introduire le SCR (au lieu du piège à NOx présent sur l’ensemble des moteurs diesel) après avoir été l’objet de nombreuses critiques suite au scandale du diesel survenu en septembre 2015.
Du côté des moteurs essence, les effets de la nouvelle norme se feront surtout sentir à partir de septembre 2018 (entrée en vigueur de la norme Euro 6c) où les nouveaux moteurs seront restreints au même niveau que les moteurs diesel en matière d’émissions pour les particules fines.
De ce fait, le filtre à particules pour moteur essence devrait se généraliser pour l’ensemble des moteurs, au coût modéré et à l’efficacité reconnue et prouvée.
Sur les moteurs de plus grosse cylindrée, la double injection (injection directe et injection indirecte) pourrait aussi se développer pour satisfaire aux nouvelles normes. Lexus et Audi, notamment, sont familiers avec cette technologie.
D’un coût élevé, la double injection a pour avantage de ne pas générer de contrepression supplémentaire (par rapport au filtre à particules), c’est donc un atout non négligeable lorsque les motoristes sont à la recherche de performances et d’amélioration du rendement.
Impact pour le consommateur
En concession, la nouvelle norme ne sera vraisemblablement pas visible avant le 1er janvier 2019. D’ici là, les données de consommation seront toujours basées sur les tests effectués selon le cycle NEDC.
Pour les véhicules homologués sous la norme Euro 6d temp (nécessitant le cycle WLTP), ils devront recourir à une équivalence pour traduire les résultats issus du cycle WLTP vers le cycle NEDC. L’équivalence est déterminée par les autorités européennes à partir d’une base de données contenant des véhicules essayés à la fois sur le cycle WLTP et le cycle NEDC et peut être régulièrement réévaluée.
En matière de coût, il faudra aussi s’attendre à une hausse sensible du prix des véhicules neufs, en particulier diesel à cause de la présence supplémentaire de métaux précieux dans les catalyseurs et d’une consommation d’AdBlue supérieure à ce qui se fait actuellement.
Lexique
CO2: dioxyde de carbone – gaz à effet de serre, acteur du réchauffement climatique
ICCT: the Internal Council on Clean Transportation – organisation non gouvernementale ayant pour but d’évaluer les performances environnementales des différents moyens de transport et de prodiguer des conseils afin de diminuer les impacts sur le climat.
NEDC: New European Driving Cycle – ancien cycle de validation effectué sur banc à rouleau requis pour homologuer un véhicule et destiné à évaluer la consommation de carburant et les émissions de gaz polluant et/ou à effet de serre.
NOx: oxydes d’azote – gaz nocif pour le système respiratoire et responsable de la formation de brume de polluants atmosphériques (smog)
PM: émissions de particules fines en masse (exprimées en mg/km) - les particules fines pénètrent dans les poumons et favorisent les maladies respiratoires, l’asthme en particulier
PN: émissions de particules fines en nombre (exprimées en nombre de particules par kilomètre) - les particules fines pénètrent dans les poumons et favorisent les maladies respiratoires, l’asthme en particulier
RDE: Real Driving Emissions – mesure des émissions de gaz polluants en conditions de conduit réelles, sur route ouverte.
SCR: Selective Catalytic Reduction – système de dépollution permettant de réduire les émissions d’oxyde d’azote d’un moteur diesel
WLTC: Worldwide harmonized Light vehicles Test Cycle – cycle de validation effectué sur banc à rouleau requis pour homologuer un véhicule et destiné à évaluer la consommation de carburant et les émissions de gaz polluant et/ou à effet de serre.
WLTP: Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedure – ensemble des cycles de validation WLTC. Pour chaque catégorie de véhicules (véhicules particuliers, véhicules utilitaires légers,…), des variantes s’appliquent (présence ou non de la partie à extra-haute vitesse,…).
Crédits photos: BMW / Daimler / Lamborghini / PSA / Honda / Alpine / Opel
Illustrations (graphiques et tableaux): Guillaume Darding
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